)Rencontre inattendue (PV Zadie)

Une légère bruine tombait sur la ville. Il était encore tôt et le froid persistait encore. Elle le savait simplement en observant la buée formée par la respiration des rares passants qui se pressaient dans les rues de Forks. Un soupir s'échappa de sa bouche mais rien n'en sortit, le souffle de vie avait depuis longtemps quitté sa poitrine.

Elle avançait sans faire attention à ce qui l'entourait, totalement perdue dans ses pensées. Son arrivée à Forks avait quelque peu changé ses habitudes, changé sa vie d'une certaine manière. Pour la première fois depuis cinquante ans elle avait trouvé quelqu'un avec qui parler, avec qui elle avait pu se conduire en tant qu'être humain sans avoir peur du regard des autres. Elle ne savait pas pourquoi mais elle s'était sentie bien avec Maïwenn, en confiance. Elle était heureuse d'avoir retrouvé un contact même infime avec le monde humain, le monde normal.

Le vent soufflait en petites rafales, l'apaisant. Pour tous les autres il faisait un temps froid et humide. Pour Kerydwen il était juste humide, pour elle la température était tiède et agréable en comparaison de sa peau froide comme la pierre. Elle marchait tranquillement sans se soucier de l’extérieur et heureuse que personne ne se soucie d’elle, que personne ne fasse attention à elle. Elle n’aimait pas être regardée à la dérobée, avec envie, jalousie ou dégoût. Elle voulait juste vivre en quelque sorte pour elle-même.

Alors qu’elle tournait au coin de la rue elle percuta une silhouette. La vampire s’attendait à la voir tomber à la renverse avec peut être même des os de cassés vu la violence du choc avec son corps de pierre. Elle eut alors la surprise de voir cette silhouette se révélant être une jeune femme encore debout et sans blessures ou chocs apparents. Elle fronça les sourcils : ce ne pouvait être quelqu’un d’humain. Peut être avait-elle enfin trouvé des vampires !

Puis son cerveau analysa les différents mouvements et les différentes sensations ressenties lors du bref contact : le mot qui s’imposa à son esprit fut la chaleur, l’inconfort d’une température trop élevée. Elle en conclut donc que ce ne pouvait être un vampire mais elle ne connaissait aucune créature avec une température si chaude et résistante au choc avec un vampire.

Elle se releva rapidement tout en prenant garde à conserver une vitesse humainement possible et plongea son regard dans celui de l’autre jeune femme pour lui dire :

-Désolée j’étais un peu ailleurs.

Les excuses étaient on ne peut plus sincères mais son esprits étaient ailleurs, tant et si bien que se voix parut lasse et froide. Elle se posait tant de question sur l’identité et la nature de cette apparente frêle silhouette.

Zadie s'était promis de ne pas retourner en ville tout de suite, pas après sa rencontre avec l'humaine. Si elle commençait à faiblir et à s'attacher aux gens, elle n'arriverait jamais au bout de sa quête. Et cette fille avait déclenché en elle quelque chose de dangereux, elle s'était adoucie, jusqu'à presque se livrer à des confessions.
Ca ne devait pas, ne pouvait pas arriver.

La louve était consciente qu'elle risquait de croiser Maïween à nouveau en s'aventurant si près des humains, mais elle n'avait pas le choix, il lui fallait à tout prix savoir si ce qu'elle avait pressenti était vrai, si sa famille était véritablement en deuil, et pour cela elle avait besoin d'un outil terriblement humain : un téléphone !

Lorsqu'elle heurta pour la seconde fois quelqu'un au détour d'une rue, son inquiétude et son agacement l'empêchèrent de retenir ses paroles :

-Encore ! Ca va devenir une véritable habitude !

Pourtant, instantanément, elle comprit que ce n'était pas à un humain qu'elle avait affaire mais à quelque chose de complètement différent. Très repoussant et incroyablement attirant à la fois. La nature même de l'être qu'elle était venue chercher, même si le visage de l'homme qu'elle recherchait la troublait au plus haut point.

Entendant à peine ses paroles et n'y répondant que par un vague :

-Pas de mal...

Zadie ne décrocha pas son regard du visage de l'inconnue. Elle était tellement... belle ! Plus qu'aucun humain ne pourrait jamais y prétendre en tout cas. Mais son odeur l'incommodait et quelque chose dans la froideur de son aspect déclenchait sa méfiance.

-Qu'est ce que tu es ?

Ces paroles étaient pourtant aux antipodes de toute prudence mais il paraissait certain à la louve que si elle était capable de sentir la différence entre elles, l'autre le pouvait aussi.

Kerydwen fronça les sourcils devant l’exclamation de l’inconnue : elle n’y pouvait rien si ce n’était pas la première fois qu’elle rentrait en collision avec un être vivant –pour ne pas se limiter aux seuls humains dans le cas présent.

Enfin il y avait eu plus de peur que de mal et la vampire se redressa et repris une allure plus digne et plus humaine aussi : autant sauvegarder le peu d’apparence de mortelle qu’elle pouvait. Malgré tout dans son esprit apparaissait de plus en plus clairement que si elle-même avait perçu l’étrangeté et la différence de la jeune femme face à elle par rapport à un être humain normal, l’autre avait aussi dû le remarquer.

Puis l’inconnue figea son regard sur sa silhouette, détaillant chaque partie de son visage, de sa silhouette avec un mélange d’étonnement, de fascination mais aussi de répulsion face à cette allure trop « parfaite ». Et il y avait aussi quelque chose dans l’expression d’étrange comme si une mauvaise odeur l’incommodait.

Par réflexe la brune prit une petite inspiration et fronça alors brusquement le nez : l’odeur que dégageait la jeune femme ressemblait à celle d’un chien, d’un loup, à celle d’un animal. Secouant la tête pour remettre ses esprits en place Kerydwen bloqua de nouveau sa respiration alors que de multiples questions assaillaient son esprit. Cette odeur n’était pas naturelle, pas totalement humaine, pas totalement animale.

-Qu’est-ce que tu es ?

Ce fut son interlocutrice qui lança cette phrase en premier alors que Kerydwen allait lui en sortir une du même genre.
La vampire resta un moment interdite, ne sachant qu’elle réponse donner à cette jeune femme. Visiblement toutes deux savaient qu’aucune n’était humaine ou totalement humaine. En face d’elle se trouvait quelqu’un de curieux, outrepassant même toute prudence pour demander à un vampire sa nature.

Mais en même temps l’éternelle jeune femme sentait sa curiosité titiller ses sens, la poussant en avant vers de plus amples explications. Alors que de l’autre côté son instinct de vampire et sa préservation lui intimaient fortement de déguerpir.

Puis lui revint en mémoire sa soirée d’Halloween passée avec Maïwenn, là où elles s’étaient rencontrée, là ou ses barrière personnelle étaient légèrement tombées.
Elle essaya alors de pousser un peu la « conversation » en restant malgré tout extrêmement prudente

-Quelqu’un de dangereux.

Elle avait dit cela calmement et simplement. Elle dut reprendre une inspiration qui la fit grimacer à cause de l’odeur gênante.

-Et toi alors ? Quel genre d’être vivant es-tu ? Puisque je suppose que tu n’es du moins pas totalement humaine.

Kerydwen n’avait pas vraiment voulu être aussi directe et imprudente mais les mots étaient sortis tout seul et elle ne pouvait qu’attendre une réponse éventuelle.

-Quelqu’un de dangereux.

Zadie serra les poings en entendant la réponse de son interlocutrice. Elle était consciente de ses propres abilités mais ne se définissait pas elle-même comme "dangereuse". Visiblement ce n'était pas le cas de l'autre jeune femme et Zadie avait appris à se méfier de ce genre de personne.

Puis vint la question sur sa nature. L'autre remettait visiblement en question son humanité, tout comme Zadie avait douté de celle de la brune au teint de porcelaine presque trop parfait.

-Je suis humaine... Je suis simplement différente. Disons que j'ai moi aussi un côté dangereux qui m'apparente à une autre espèce.

La jeune femme avait en effet décidé depuis longtemps que sa nature de louve, de demi-louve, ne l'empêchait pas de revendiquer l'humanité qu'il y avait en elle. Par certains aspects, et au fil de ses expériences, elle s'était d'ailleurs rendue compte qu'elle était sans doute beaucoup plus humaine que tous ceux qui s'en vantaient.

Immobiles, elles continuaient de s'observer en silence, comme si chacune cherchait à percer les mystères de l'autre sans oser s'approcher, soit par peur du danger, soit redoutant la découverte qu'elles étaient sur le point de faire.

-C'est la première fois que je vois quelqu'un comme toi. Que je ressens la différence, que je la sens. C'est comme si j'étais programmée pour te sentir, te trouver.

Depuis le début de la discussion, l'odeur de l'autre était devenue entêtante, Zadie ne percevait plus que ça ou presque, comme si elle était en effet faite de manière à déterminer la présence et la différence d'un tel être.
Mais ce qui préoccupait plus la louve, c'était le sentiment de colère qui commençait à naître en elle et la fureur qui s'emparait de ses pensées, la privant de toute reflexion, pour la laisser uniquement concentrée sur la haine de cet être à la fois si différente et si semblable.

Zadie serra les poings plus fort.

Alors que Kerydwen tentait d’esquiver la question sur sa nature, elle vit la brune qui lui faisait face serrer les poings. En revanche ce fut elle qui se retint de montrer son étonnement alors que l’autre se définissait comme une humaine simplement différente. Difficile à croire.

Pour vraiment s’en rendre compte par elle-même la vampire pris une lente inspiration en plissant le nez : un flux chaud et clapotant, mouillé circulait dans ses veines mais beaucoup trop animal pour un humain normal. Il y avait certes une petite dose d’humain dans ce flot humide mais ce qui la marquait personnellement étaient les similitudes avec le sang des carnivores dont elle se nourrissait, un sang canin.

Lorsque l’inconnue parla pour la seconde fois, Kery tendit tous ses muscles face à la menace voilée qu’elle décelait dans ses paroles : elle aussi sentait une sorte d’animosité, de rivalité ancestrale qui la poussait à aller vers cette jeune femme mais elle parvenait à se contrôler. En revanche la créature semi humaine semblait avoir de plus en plus de mal à supporter leur proximité à ce que devinait la française : dans ses yeux la colère s’infiltrait, elle serrait les poings de plus en plus fort.

Tout en gardant ses muscles tendu et ses sens en alertes elle tenta d’apaiser la jeune femme qui avait de toute évidence un mal fou à garder son calme :

- Calme-toi. Tu es sûre que tout vas bien ?

Puis elle lui dit encore plus bas pour ne pas se faire entendre d’éventuels passants :

- Contrôle-toi. Je ne sais pas ce que tu es exactement mais je crois que ce n’est pas le lieu pour perdre son sang froid et combattre. Je ne tiens pas à me battre, en aucune façon, et je n’ai aucune envie de faire mal ou pire.

Le ton était dur et posé, sans réplique. Kerydwen planta son regard de le sien en l’incitant au calme.

-Je n'ai pas l'habitude de me battre en pleine rue, siffla Zadie. Et ne sois pas trop sûre du gagnant d'un tel combat, acheva-t-elle entre ses dents.

L'indienne avait du mal à se reconnaître. Elle n'avait pas pour habitude d'entamer un combat, ni même de provoquer un adversaire. Mais plus elle regardait l'autre, plus elle était agacée par la perfection de son visage, la lenteur de ses propos et cette odeur, toujours plus pestilentielle.
Non, elle n'allait pas bien, mais elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il fallait faire pour que cette envie de sang s'apaise.

Zadie ravala sa salive avec difficulté, fermant les yeux un instant.

-Il faut que tu t'en ailles, je ne suis pas sûre d'arriver à me contrôler, et les passants ne vont pas aimer ce qu'ils auront sous les yeux si je me transforme.

Les yeux de la louve étincellaient, elle sentait ses muscles se tendre, son sang battait plus vite et ses sens s'aiguisaient. Si elle ne parvenait pas à trouver une solution pour calmer ses nerfs, elle allait se métamorphoser à la vue de tout le monde, et surtout de cette créature inconnue. L'envie de lui faire mal se propageait en elle et la part qui s'opposait à une telle violence, la part indienne, fille de la terre et du ciel, qui coulait dans ses veines peinait de plus en plus à maintenir l'ordre et la sagesse dans son esprit.

-Valley...

Le nom de sa grand-mère sortit sans qu'elle le veuille de sa bouche. Elle était son seul remède, la seule qui devait savoir, qui pouvait l'aider. Mais Valley était trop près de la mort pour pouvoir faire quoi que ce soit et les jambes de la louve commencèrent à trembler. Elle essayait encore de se contenir quand elle tomba à genoux.

Kerydwen lui lança un regard noir, retenant un rictus mauvais qui aurait dévoilé ses dents : elle n’avait jamais eu la prétention de se croire vainqueur puisqu’elle ne voulait pas imaginer le combat. Mais plus la jeune femme étrange s’énervait et plus la bretonne avait du mal elle aussi à conserver son sang froid.

Elle n’avait jamais attaqué d’humain ou d’être apparentés, elle avait toujours su refreiner, se contrôler. Et elle le devrait encore, se montrer digne de sa famille, plus de cinquante ans après.

La vampire fronça les sourcils : si elle se transformait ?! Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait dire par là mais sentait très bien, physiquement et mentalement, que cela était vrai. Comme une intuition innée et immuable. Elle gardait sa respiration bloquée, n’inspirant qu’après avoir parlé. Il valait mieux.

Alors que Kery pensait fortement à s’éclipser, à vitesse surhumaine dès qu’elle le pourrait. En face d’elle la brune avait les jambes qui tremblaient, signe qu’elle avait du mal à se contrôler.

Seulement, alors qu’elle se retournait elle tomba à genou, prise de convulsions. Les regards des passants commençaient à se retourner vers eux. Elle ne pouvait pas la laisser ainsi sur le sol, sentant la transformation précédemment citée poindre.

Se moquant des conséquences Kerydwen prit la jeune femme dans ses bras aussi facilement qu’un sac et marcha à vive allure avant d’atteindre un endroit désert. A partir de là elle laissa libre court à sa vitesse, maitrisant à grand peine les convulsions de la jeune femme dans ses bras.

Heureusement elle atteint rapidement la forêt. Elle lâcha alors la jeune femme sans ménagement alors qu’elle commençait à lui labourer sérieusement l’épaule. Elle la regarda, ne voyant qu’une ligne saillante tracée dans sa peau : elle était donc suffisamment forte pour entamer sa chair vampirique.

Elle grimpa à grande vitesse à une branche élevée :

-Ca va aller si je te laisse seule ou je dois aller chercher quelqu’un ?

Bonne âme. Trop peut être. Toujours est-il qu’elle ne pouvait se résoudre à la laisser seule dans cet état même si elle savait le danger que cela représentait pour elle.

Les secondes qui suivirent, Zadie n'eut qu'une très faible idée de ce qui était en train de se passer. Tout sembla lui durer une éternité alors qu'il ne fallut sans doute que quelques enjambées à l'autre pour la mettre à l'écart des passants.
L'indienne se sentait comme perdue dans un mauvais rêve, submergée par des émotions qu'elle ne maîtrisait pas. Elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour ne pas se transformer mais son sang semblait être plus fort que sa raison.
Ce n'est que lorsque le visage de sa grand-mère envahit son esprit que Zadie fut capable de retenir la louve qui se terrait en elle.

Une fois qu'elle eut touché le sol, elle retrouva le calme et se remit à penser normalement. Elle ne savait pas comment, mais Valley avait réussi à lui insuffler la force dont elle avait besoin pour ne pas devenir une lycane hystérique.
Se frottant là où l'autre l'avait attrapée, elle lui répondit doucement.

-Oui, ça va aller. La crise est passée. C'est la première fois que ça m'arrive. D'ordinaire, j'arrive à me contrôler. Merci... souffla-t-elle.

Zadie se releva et croisa le regard de l'autre.

"Ils sont étrangers à notre tribu, songea-t-elle, c'est pour cela que je n'ai pas pû me contenir. Ils sont notre contraire mais nous ne le savions pas."

Son voyage aux Etats-Unis ne la menait toujours pas dans la direction qu'elle espérait, à part si celui qu'elle cherchait appartenait à cette race étrange. Si tel était le cas, elle se demandait si à son tour, il déclencherai une telle tempête dans son corps et son esprit.

-Comment ça s'appelle, ce que tu es ?

La seule chose qui rassurait la louve, c'est que l'autre ne semblait pas avoir plus d'idée sur sa nature à elle. Elles étaient toutes les deux face à l'inconnu.

» Kit Zadie Kwan
» Cadeaux pour Zadie
» La rentree ou les joies de l'Alaska [PV Zadie]